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Catalogue édité à l’occasion de l’exposition
Organisée par le centre culturel Jean-Cocteau, Ville des Lilas (93)
DU 21/3/2018-12/5/2018 
À l’espace culturel d’Anglemont
DIRECTION : Stéphanie Bourson
COMMISSARIAT : Simon Psaltopoulos
SimonPSALTOPOULOS@leslilas.fr
JULIE LEGRAND ET LE CENTRE CULTUREL JEAN-COCTEAU ADRESSENT LEURS
CHALEUREUX REMERCIEMENTS À :
Direction de la Communication :
Christophe Lalo, Marion Peyre, Thierry Chauvin Galerie Céline Moine et Laurent Giros Fine Arts, Jérôme Dauchez et Isabelle de Maisonrouge, MatchArt, Isabelle Suret et le 7.5 club, Lola Serre, Emmanuel Vignaud et toute l’équipe du Lycée Verrier Jean Moulins d’Yzeure, Brigitte Liaboeuf et la DRAC Auvergne, Luc, Pomme et Paulette Legrand, Joëlle Verfaille, Yves Rabouin, Olivier
Juteau et Catherine Marouzet, Delphine Ewen, Christophe Gauvin, le service culturel
de Chinon, Jérôme Combes et Elodie Ponsaud, Maro Haas.
OEUVRE COUVERTURE : Anima, 2017
Crâne de sanglier et verre soufflé au chalumeau
dim. : 40 x 30 x 60 cm
Commande MatchArt, collection privée
CONCEPTION GRAPHIQUE : MH Design / Maro Haas
PHOTOGRAPHIES : AfA production, Elodie Ponsaud, FX Dessirier, Eric Houdbine,
Julie Legrand
IMPRESSION : Imprimerie ETC-Inn (Yvetot)
Catalogue imprimé en 400 exemplaires

JULIE LEGRAND, LE FUNAMBULE ET LE GÉOMÈTRE

JULIE
LEGRAND
LE FUNAMBULE ET LE GÉOMÈTRE
 
 
Lorsqu’en 2001 Julie Legrand met en sc.ne
 une tonne de verre dans un petit appartement
d’Albi pour son installation Echappée belle1, le
principe du travail en volume lui est acquis
depuis plusieurs ann.es. Observatrice
attentive de Beuys (et ses consid.rations
port.es . la chaleur, au r.cit et . quelques
mati.res-phares), la plasticienne a m.ri des
voies personnelles o. l’exploration du verre
est devenue un axe central. C’est cette entr.e
qu’a choisie le centre culturel Jean-Cocteau
pour son exposition, en prenant soin d’en
faire un simple point de d.part qui n’exclut en
rien la pluralit. de lectures permise par une
production f.conde. Les oeuvres s.lectionn.es
explorent selon des axes compl.mentaires
ce mat.riau aux propri.t.s physiques et aux
potentialit.s plastiques m.sestim.es.
Qu’il soit coul., souffl., .tir., ou .dit. en
plaques industrielles, le verre prend chez
Julie Legrand une .paisseur nouvelle,
se jouant des connotations qui lui sont
assign.es (fragilit., transparence, rigidit.)
et exploitant les possibilit.s presque infinies
que la diversit. de ses .tats permet (passant,
sous le feu du chalumeau, du solide au
liquide en quelques secondes). Le verre se
m.le au fil des oeuvres . des mat.riaux dont
1. R.sidence pour le Centre d’Art Contemporain . Le
Lait ., . la cit. scolaire Bellevue . Albi (81), 2001.
le d.nominateur commun est une certaine
brutalit. – organique ou min.rale, naturelle
ou artificielle. Julie Legrand d.limite ainsi,
. la mani.re d’un g.om.tre, les zones
convenues de celles, sauvages, issues des
entrechoquements de la mati.re. R.sistant
autant que mall.able, le verre se confronte
. la pierre ou au m.tal sur des modalit.s
variables : tant.t composition d’inspiration
minimaliste n.cessitant six installateurs
vigoureux, tant.t dentelle sensuelle aux
ramifications imbriqu.es.
Ses oeuvres entretiennent par ailleurs
une relation singuli.re au vivant. Dans
Germination, une .ponge industrielle se fait
socle fertile progressivement gangren. par
la mati.re organique ; À L’assaut (fleur bleue)
(p.11) .voque quant . elle les processus de
f.condation in vivo. Bien souvent, la roche
devient r.ceptacle .cologique, ou support
d’une .nergie en expansion . l’image
d’Icône (p.10), que l’on peut lire comme une
rem.moration raffin.e des ex-voto figurant
des Saints et dont nombre de t.moins
ont rapport. dans les si.cles pass.s le
caract.re . vivant . : oeuvres . pleurant .
ou . saignant ., rejou.es ici par l’explosion
rococo de tiges vermillon.
Par l’inversion des r.les qu’ils mettent
constamment en sc.ne, ces trompe-l’oeil
Catalogue .dit. . l’occasion de l’exposition
Julie Legrand, Le funambule et le géomètre

théâtraux que sont les oeuvres prennent une
apparence ambigüe pour le regardeur. Dans
La Peur au ventre (p.25), la roche, dense et
puissante, est transfigurée en matériau
faible, positionné dans un équilibre indécis,
proche de la chute. Elle est traversée de
toutes parts par des plaques de verre fines et
transparentes – l’artiste contredisant ainsi la
fragilité qui leur est généralement attribuée.
Dans une même oscillation, la rigidité du
verre explore, dans Amoureuse, les frontières
de la liquidité pour se figer dans une texture
d’apesanteur. À l’image d’Anima (visuel de
couverture), crâne de sanglier duquel sortent
des bulles de verre ambrées et situé à michemin
entre la divinité animiste et la vanité
flamande, ces oeuvres rappellent la nature
instable et éphémère du vivant.
Julie Legrand opère dans le vide, tel un
funambule évoluant prudemment sur le fil de
l’expérimentation. Du funambule, elle tient
aussi les jeux d’équilibre qui fondent nombre
de ses oeuvres, depuis les simples socles de
verre sur lesquels sont posées des structures
minérales volumineuses (Bulles d’ambre, p.7),
jusqu’aux extensions dynamiques prenant
appui sur une cavité incertaine (Anima), en
passant par les cubes de pyrex reposant sur
un tréteau isolé (La Tête sur les épaules, p.22-
23). L’instabilité visuelle des agencements
incite à créer une distance de principe entre
le regardeur et l’oeuvre : ironiquement,
cette déférence s’avère plutôt éloignée des
manipulations franches des oeuvres par leur
créatrice.
Via ces multiples dimensions, le regardeur
est ainsi confronté dans le travail de
Julie Legrand à une expérience physique
et psychique de la matière. Mais une
rapide étude des oeuvres ne saurait être
satisfaisante sans une lecture prenant
également en considération les strates
biographiques de leur production. Souvenir
d’enfance III (p.13) évoque ainsi, au bout de
son austère potence, un trivial morceau de
chair tranchée, motif maintes fois observé
dans la boucherie familiale. Le verre carmin
devient sang, liquide visqueux en résonance
lointaine avec les réflexions sur l’éthique
animale. La Tête sur les épaules a pour sa part
été réalisée à la suite d’un décès familial : si
la référence aux gisants renaissants vient en
arrière-plan immédiat, l’oeuvre, constituée
de simples plaques de verre assemblées,
porte également en elle une réflexion sur la
transformation de la matière. Les tubes de
verre soufflés qui passent du parallélépipède
évoquant le corps à celui formalisant la
tête, signalent le passage du corps d’un état
à l’autre. L’ensemble, s’offre comme une
présence fantomatique, et minimale.
Si nombre d’oeuvres sont à proprement
parler jubilatoires, à l’image d’Histoire d’aller
chatouiller les anges (p.14-15), d’autres se
soumettent à une lecture plus ambivalente.
Avaler la pilule (p.11) ou Icône (p.10), avec leurs
projections de tiges de verre fusant de toute
part, peuvent ainsi voir leur interprétation
première réévaluée. En se rapprochant
sensiblement de ces oeuvres séduisantes, le
regardeur perçoit le noyau spongieux duquel
éructe la matière : son regard change alors
pour ne plus percevoir que le mouvement
inverse. Ce coeur de cellulose pourrait bien
être finalement la victime et non l’origine
de cette énergie. Retournées contre lui, les
flèches de verre se muent en agression
furieuse, le transpercent dans une vision de
harcèlement acharné.
 
L’exploration des affects fait également partie
des recherches à l’oeuvre. Il s’agit parfois des
propres émotions de l’artiste, à l’image de
La Peur au ventre dans laquelle elle ausculte
ses craintes, sublimées par l’expression
plastique. Au centre de cette installation
monumentale figure une forme aérienne
d’une grande délicatesse : il s’agit de la
silhouette de la roche qui couronne l’oeuvre.
Celle-ci est reproduite, « peinte » à l’acide
fluorhydrique, et en suit l’exact contour. Ce
parallèle entre la « tête » et les « tripes »
rappelle le lien entre l’angoisse et sa réaction
corporelle (attaque du verre à l’acide), autant
qu’il souligne la primauté du système digestif
(cerveau primaire) sur le cortex cérébral
dans le cycle de l’évolution. Julie Legrand
transcende ici ses angoisses en trouvant un
substitut physique à cette expérience-limite.
D’autres fois, c’est la colère qui trouve un
terrain d’expression, comme dans L’Effet
papillon (p.18-19), installation prenant la
forme d’une déflagration de verre, où l’on
sent le cri de l’artiste déchirant l’espace,
faisant voler en éclat les baies vitrées et
traversant les cloisons. Bulles d’ambre
est à l’inverse la mise en scène d’une
espérance amoureuse, souffle vital ample et
bienheureux, un soulèvement exprimant la
légèreté de l’extase.
Face à cet esprit de recherche fécond et
permanent, nous pourrions aisément nous
interroger sur la place accordée au dessin,
point de départ de nombre de réflexions
plastiques et scientifiques. De façon
surprenante, chez Julie Legrand, le dessin
se trouve maintenu au stade d’amorce,
de « prise de note » pour ses projets en
volume. Ces « envies de sculpture », selon
la terminologie de l’artiste, demeurent ainsi
relativement évasives pour le profane. Elles
affichent toutefois leur contribution à l’oeuvre
finale dans l’importance accordée in fine à la
ligne et la prédominance de celle-ci sur la
couleur. Les solutions de dessin n’étant pas
celles des sculptures, le travail graphique ne
résout pas l’oeuvre qu’il anticipe. Certaines
productions ont cependant vocation à être
autonomes et créent un dialogue ouvert avec
ses sculptures, tels les dessins monumentaux
exposés en 2017 à Fresnes2. À l’image du
corpus de sa créatrice, ils sont ici encore, et
avant tout, recherche pragmatique, sensitive
et technique.

JULIE LEGRAND
http://www.julielegrand.com
https://www.tumblr.com/blog/julielegrand
http://julie-legrand.tmblr.com 
julielegrand75@gmail.com
67, boulevard Brune, 75014 Paris
+33 (0)6-11.85.08.33

Posted 18 November 2018

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Noires les ronces, noir mon coeur... (une si précieuse douleur), 2016
Verre noir et groisil, 55 x 35 x 50 cm
Courtesy de l’artiste
Photo : AfA Production

Prendre racines, 2015
Silex et verre filé
85 x 60 x 30 cm
Courtesy de l’artiste
Photo : Charles Chêne

L’Effet papillon, 2016
Miroir, silex et verre filé, 180 x 320 x 290 cm
Courtesy de l’artiste
Photo : Elodie Ponsaud

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